Elias Salender avait toujours été un grand sportif. Depuis sa plus tendre enfance, il ne pouvait tenir en place et avait trouvé dans le sport un moyen de canaliser son énergie. Il avait pratiqué de nombreux sports, tels que le football américain, le baseball, la natation, l'athlétisme et le tennis, qui restait jusque là sa passion numéro un. Il était toujours parvenu à gérer son emploi du temps fort chargé, jonglant admirablement entre les entraînements et ses devoirs. Ce jeune homme plein d'entrain suscitait d'ailleurs l'admiration de ses professeurs qui s'étonnaient de le voir aussi appliqué sur ses cours et aussi brillant en sport. Ils avaient plutôt l'habitude d'avoir à faire à des sportifs écervelés. Ce qu'ils ignoraient, c'était que la famille Salender cultivait la réussite et la victoire avec énormément d'acharnement et cela, avec chacun de ses enfants. L'élitisme était une des grandes valeurs familiales, et Elias n'y avait pas échappé. En grandissant, il avait toujours eu pour modèle deux frères brillants et une soeur non moins idiote qui excellaient tant à l'école que dans leurs activités extrascolaires. Inutile de préciser que le petit dernier avait voulu suivre les pas de ses aînés. Pas fainéant pour un sou, il s'était toujours démené pour ramener des notes excellentes dans toutes les matières et décrocher toutes les médailles possibles. Il semblait concilier ses différentes activités avec une facilité inouïe. Et comme si le sport et les cours ne lui suffisaient pas, Elias s'était également inscrit à l'Unicef et passait souvent ses étés dans des camps humanitaires ou à monter des missions. Une fois arrivé en fin de lycée, cependant, le jeune homme dût se rendre à l'évidence: il n'avait plus le temps pour tout. Les entraînements de football de l'équipe le mobilisaient énormément et son poste de capitaine exigeait qu'il soit présent à chaque séance, toujours en forme. Cependant, entre les activités de l'Unicef en paralèlle et ses notes à maintenir pour les candidatures dans les universités, il avait beaucoup de mal à tout gérer. Par esprit d'équipe, il passa le flambeau de capitaine à l'un de ses plus proches amis et meilleurs joueurs de l'équipe. Son père lui en voulut longtemps avant de comprendre que son fils cadet devait faire des compromis. Mais la famille Salender avait un problème avec cette notion et vit cela comme un échet cuisant du petit dernier. Néanmoins, il ne se laissa pas abattre par les commentaires négatifs de sa famille et continua à soutenir l'Unicef dès qu'il en avait le temps.
Il était pratiquement naturel qu'en arrivant à l'université, Elias s'emploie à s'inscrire dans une multitude d'activités. Greenpeace fut son premier choix, car en ardent défenseur de la nature qu'il était, il ne pouvait passer à côté de cette occasion. Malheureusement pour lui, l'Unicef n'avait pas de bureau à la MVU, aussi se vit-il forcer de restreindre ses activités pour l'association, mais pas les dons qu'il faisait régulièrement. Au début, il pensait se cantonner à des activités associatives, ne se voyant pas vraiment intégrer l'équipe de hockey de l'université. Il avait quelques rudiments, mais il ne serait certainement jamais pris dans les Spartans. Et puis il entendit parler de l'équipe d'aviron. Ce sport l'avait toujours intrigué, aussi tenta-t-il le coup. On le prit, les Spartans étaient en sous-effectif. Il intégra donc l'équipe de son grand frère Sigma Tau Iota, la confrérie pour laquelle il était bizut. Son emploi du temps se retrouva donc rapidement plein. Entre les cours, les entraînements, les rassemblements Greenpeace et le bizutage, il courait un peu partout avec une certaine euphorie qui lui rappelait ses années de lycée. Car entre sa sortie du lycée et son entrée à l'université, il avait passé trois ans à travailler pour l'Unicef et avait participé à deux longues missions en Afrique pour installer des puits et des écoles dans des villages démunis. Cette expérience l'avait changé, même s'il n'avait jamais été un gosse de riches au sens classique du terme. Le jeune homme avait, en effet, toujours été altruiste et volontaire pour des tâches qui ne correspondaient pas forcément à sa "condition", comme ses parents aimaient à lui rappeler. Ce retour à la scolarité normale et à un emploi du temps chargé à outrance lui rappelait donc son adolescence.
Dans son aviron, Elias n'était pas le seul première année débutant, ce qui le rassura légèrement. Cependant, il avait été longtemps le seul à n'avoir jamais exercé ce sport. Halcyon Goldensanks avait complété l'équipe tout récemment, devenant le deuxième débutant. Il avait eu un ou deux entraînements, mais semblait toujours maladroit avec les rames. Elias trouvait cela amusant, car il avait l'impression de se revoir quelques semaines auparavant. Heureusement pour lui, il avait rapidement progressé et ne doutait pas qu'Halcyon en ferait de même.
L'heure de l'entraînement sonna et Elias, en tenue et prêt à prendre sa place, attendait Halcyon pour rejoindre l'aviron avec Samaël, Ricky et Sasha, leurs partenaires. Les trois plus âgés plaisantaient ensemble sur le quai et prirent place dans l'aviron, Elias les imita quelques secondes après. Halcyon eut plus de mal à s'installer et les trois aînés se mirent à se moquer de lui, pas forcément méchamment, mais il y avait de quoi se vexer. Elias se tourna vers eux et leur lança un regard plein de reproches. " Oh, ça va, il vient de commencer, c'est normal qu'il ait du mal. Vous avez sans doute fait pareil quand vous êtes montés là-dedans pour la première fois. " Ils le regardèrent avec mépris, mais pourtant bien conscients d'être en tort sur ce coup-là.
L'entraînement commença et, comme c'était à prévoir, les trois aînés prirent le pli de se moquer de leurs deux cadets dès qu'ils se faisaient rabrouer par l'entraîneur. Heureusement pour lui, Elias n'eut pas droit à beaucoup de réprimandes sur la technique, tout au plus sur ses mouvements pas toujours synchronisés. Ce fut tout le contraire pour le pauvre Halcyon qui, à la fin de l'entraînement, sortit de l'aviron dépité. Elias attendit que les trois autres regagenent les vestaires pour venir lui taper sur l'épaule. " T'inquiète mon pote, ça viendra. Si ça peut te rassurer, j'ai fait chavirer l'aviron la première fois que je suis monté dedans. On est tous tombés à l'eau. Les autres se sont moqués pendant deux semaines. Tu verras, ça leur passera. " Il ignorait si ses paroles réconforteraient le jeune homme, mais il savait que lui aurait aimé entendre cela lorsqu'il se démenait encore avec ses rames.
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