Citation :


De : elza.walker@mvu.com
À : natanjel@gmail.com

«... Tu adorerais MVU… je sais ce que tu vas me dire « c’est rempli de confréries superficielles et ça sent le gouvernement américain partout » et c'est pas faux mais finalement je crois qu'en creusant un peu tu aimerais. Dernièrement j’ai osé rejoindre le club de lecture du campus et j’y ai rencontré des gens bourrés de talent par exemple. Je ne sais pas si j'y resterais, j'aime assez l'ambiance mais le groupe à l'air assez soudé et j'ai beaucoup d'autres activités.

Oh ! et puis, j’ai relu Dorian Gray pendant ces vacances, je fini par le connaitre par cœur mais chaque fois, les mots me fascinent plus que l’histoire :
« Aujourd’hui, les gens se consument dans je ne sais quelle sagesse terre-à-terre et découvre quand il n’en est plus temps, que les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais »… Je sais bien que c’est banal et que citer Wilde ça fait un peu adolescente attardée mais tu vois, en lisant cette phrase (encore), je me dis que l’écriture traverse les époques, que c’est un peu un nuage qu'on planterait au milieu du ciel et peu importe le temps que ça peut prendre, un jour, quelqu’un reconnaitra la forme dans ce nuage.

Et je pense sincèrement que m'arrêter de lire, ce serait comme m'arrêter de regarder le ciel…

Elzz »




Et la jeune femme cliqua sur « envoyer ».

Depuis maintenant quelques années, la brune conversait sur internet avec un certain Natanjel. Ils s’étaient rencontrés par le plus grand des hasards sur un forum d’échange culturel et c'est une solide amitié qui se créa entre l'américaine et le jeune français. Rapidement, elle avait remplacé l'apprentissage de la langue par de longues conversations sur ses espérances, ses goûts, sa vision du monde, ses confidences.
Des nuits entières s’étaient écoulées durant lesquels, je jeune homme l’avait passionné, compris et fait rire.


Elza ne s’était pourtant jamais demandé si leur relation était ou non atypique, mais étrangement, elle n’en avait parlé à personne, plus pour garder une forme de jardin secret que par honte.
Jamais non plus, la demoiselle s’était mise en tête de le rencontrer.. Elle s’était posé la question biensur, mais est-elle prête à détruire un si joli « fantasme » ? Aurait-elle finalement aimé recontrer Les Tortues Ninjas alors qu’elle les adulait étant petite ? Elle n'était pas prête à prendre le risque de découvrir des tortues ridiculement petites, sentant les égouts et à la peau visqueuse.
Biensur, elle ne qualifiait pas Nat’ de tortues glissantes et puantes mais elle avait peur qu’il lui fasse cet effet.


Assise dans le fauteuil moelleux du café au fond de la salle, la jeune femme avait remonté ses jambes sur le siège et s’était lancé pour défi d’avoir finit d’écrire son article pour l’animation d’MVU avant 22h.
Bien qu’elle animait l’émission du matin, la jeune femme écrivait de temps à autre quelques chroniques… D’abord parce qu’elle s’investissait beaucoup dans cette radio (dans tout ce qui lui tenait à coeur d'ailleurs) et ensuite parce que cela l’aidait à s’évader mais aussi à s’entraîner pour sa futur carrière.

La demoiselle porta à sa bouche, le grand gobelet en carton rempli de café sucrée qu’elle avait commandé et but quelques gorgées. Le début de l’année s’annonçait plutôt calme bizarrement et tout ce temps qu’elle avait pour elle l’ennuyait presque. Elle avait connu 3 périodes de rush et l’ambiance était bien plus animée à cette époque de l’année.
Finalement, elle se replongea sur son article.
Toutefois, avant de baisser les yeux, prête a tapoter sur son clavier, la jeune femme aperçut l’un des membres du Shakespeare’s Sons, le fameux groupe de lecture… Assit plus loin sur un fauteuil prés de la fenêtre.
La jeune femme lui adressa un rapide sourire ainsi qu’un signe de la main pour le saluer.
Elle le trouvait intelligent mais elle aurait juré qu'il ne l'appréciait pas vraiment...

Le Caplan's Coffee était le lieu de prédilection ( que dis-je ! le temple même ! ) des membres du club Shakespeare's Sons. Son décor, l'odeur de café et de vieux livres qui parcouraient l'air, c'était une atmosphère qu'adorait Natanjel et cet endroit était certainement son préféré du village. Il s'y sentait bien, dans son élément et dieu sait comme souvent il se sentait incompris. Il était entré dans le café, une pile de bouquins dans son sac, ne sachant par où commencer, et puis il avait commandé un chocolat chaud ainsi qu'un muffin et il était allé s'asseoir dans un des fauteuil près de la fenêtre. Sa place préférée. D'ailleurs quand il venait il n'y avait jamais personne à cet endroit là, comme si on avait su qu'il allait arriver. C'était une pensée qui le faisait rire alors qu'il s'installait confortablement dans le gros fauteuil moelleux.
Passant une main dans ses cheveux, il son téléphone vibra et il le sortit de sa poche pour voir de quelle nature était les vibrations, ce n'était qu'une alerte lui signalant qu'il avait reçu un mail d'Elza, une fille qu'il côtoyait par mail depuis un très long moment maintenant. Elle étudiait à la MVU et ne cessait de lui vanter les mérites de l'université. Elle semblait s'y plaire beaucoup, elle était impliquée dans pas mal d'activité et il souriait toujours en lisant ces mails. C'était une fille brillante pour qui il avait pas mal d'estime. Cependant il était face à un dilemme auquel il n'avait pas encore trouver de solution. Pour l'instant, il ne lui avait pas dit qu'il étudiait également à la MVU, préférant garder le secret histoire de préserver cette relation purement platonique qu'ils entretenaient et qui lui plaisait beaucoup. Il ne voulait pas précipiter les choses, se dire que ça y est, ils étaient au même endroit alors il leur fallait se rencontrer à tout prix. Il craignait de perdre la magie de leur relation. D'être déçu peut être ?
Le fait qu'ils soient dans la même université était une chose cependant, le fait qu'elle fasse partie du même club de lecture en était une autre. Il l'avait démasqué en lisant un essai qu'elle avait écrit. Elle lui avait demandé son avis et poliment il l'avait prit pour le lire, lui rendant le lendemain sans trop se prononcer. Le fait était qu'il ne savait pas quoi faire. Souvent il se surprenait à la regarder, l'analyser un peu et c'était un plaisir pervers dont il jouissait que de savoir qui elle était alors que lui était encore dans l'anonymat le plus complet. Il revenait sur terre dés qu'elle lui adressait la parole ou lui apportait un quelconque signe d'intérêt, se concentrant pour ne commettre aucune bourde et ne pas être démasqué. Il n'y avait aucun doute, il lui fallait un plan et vite.

Passant une main dans ses cheveux, il soupira blasé, rangeant son téléphone dans sa poche sans prendre la peine d'ouvrir le mail, se disant qu'il le lirait plus tard et puis, son attention fut attiré de l'autre côté du café ou une jeune fille lui faisait un sourire, puis un signe. Il la fixa un instant et hésita. C'était elle. Elza. Que faire. Il ne pouvait pas rester de glace avec elle sachant que lorsque chez lui, devant son ordinateur, il l'appréciait et l'adorait. C'était trop dure. Mais peut être que pour le bien de leur relation, c'était mieux comme ça ? Il ne pouvait pas commencer à être deux mecs en même temps. Il allait forcement finir par culpabiliser ou bien s'emmêler les pinceaux. Il était intelligent certes, mais tout les escrocs finissent par faire des fautes. Même les plus brillants.

Il décida alors de lui adresser un sourire et un signe de la main puis attrapant son chocolat chaud d'une main, il se leva pour la rejoindre, s'asseyant sur le fauteuil en face, posant son sac pleins de livres aux pieds du fauteuil.

" Salut.. Elza c'est bien ça ? L'essai. C'tait toi... "

Il hocha la tête sans attendre de réponse et puis prit un bouquin au hasard dans son sac. Dorian Gray justement. Il l'avait emprunté à la bibliothèque en sachant qu'Elza le lisait souvent, l'avait lu. Lui en parlait toujours. Il l'avait déjà lu quelques années plus tôt mais il souhaitait pouvoir lui écrire et lui en parler à sa façon, sa façon à lui de voir les choses. Wilde était un brillant écrivain sur lequel il était possible de tergiverser pendant des heures. Il ne se doutait absolument pas que le contenu du mail qu'il avait reçu de cette même jeune fille cependant, était au sujet de ce bouquin, en l'occurrence.

Il l'ouvrit sur ses genoux, bu une gorgée de son chocolat chaud et lui dit :

" Comment tu vas ? On a pas encore trop eu l'occasion de discuter il me semble... "

Tu parles, Charles ! se disait-il alors qu'il détournait le regard, posant son attention sur le bouquin dont il commença à tourner les pages.